Rosalie Blum
Scénario : | Camille Jourdy | |
Dessin : | Camille Jourdy | |
Genre : | Chronique sociale | |
Année : | de 2007 à 2009 | |
Edition : | Acte Sud | |
Nombre de tomes : | 3 | |
Statut : | Série terminée | |
Public : | Tout public |
L'histoire
Vincent est coiffeur dans une petite ville de campagne. Il vit seul avec son chat, sous l'appartement de mère qui semble chaque jour un peu plus déconnectée de la réalité. Vincent s'ennuie ferme et sa petite amie, partie à Paris pour étudier, lui donne des nouvelles que lorsqu'elle y pense. Cela sent de plus en plus la fin d'une histoire qui n'avait peut-être jamais commencée. Les seules moment de plaisir, Vincent les passe devant une console de jeu, chaque week-end, avec son cousin. Bref Vincent tourne en rond. Jusqu'au jour où il rencontre l'épicière du coin. Pas que celle-ci lui ait tapé dans l'oeil, mais il semble l'avoir déjà vu. Etrange. Sans qu'il puisse l'expliquer, Vincent va se mettre à la suivre. Il va ainsi découvrir qu'elle se nomme... Rosalie Blum. Mais qui est Rosalie Blum ?
Mon avis
Camille Jourdy est la preuve vivante qu’il n’y a pas suffisamment d’autrices dans le monde de la bande dessinée franco-belge. En effet, sa sensibilité toute féminine lui permet de signer des oeuvres d’une finesse remarquable. Et si en plus on ajoute son exceptionnel talent à saisir toutes les fragilités de l’être humain, on peut compter sur Jourdy pour nous proposer une BD d’exception, ce qui est le cas avec "Rosalie Blum". L’autrice des très bons "Juliette" et "Les vermeilles" signe ici peut-être son oeuvre la plus aboutie. Une oeuvre qui parle de dépression, de sens de la vie, de la campagne, des souvenirs, mais aussi de cette folie douce qui se cache lorsque la porte de nos maisons lorsqu’elles se ferment sur le monde extérieur.
C’est un peu lorsque l’on prend enfin le temps de se poser des questions que l’on peut raisonnablement se poser celles qui entourent le but de notre existence. Si éduquer ses enfants ou construire sa vie professionnelle peut permettre de l’éviter soigneusement, elle peut rapidement poindre lorsqu’on se retrouve seul, que la vie a passé, que l’on cherche quoi faire pour continuer, que l’on est arrivé au point où l’on ne peut plus faire grand-chose pour sortir de sa routine, son quotidien, ses problèmes. Les nuages gris commencent alors à s’amonceler. Jourdy raconte la déprime, la déprime quotidienne de gens qui perdent peu à peu leurs liens sociaux, soit parce qu’ils n’ont pas fait d’effort pour les maintenir, soit parce que la vie leur a joué des tours et qu’ils n’ont plus la force de se créer de nouveaux objectifs. A quoi bon, finalement ? Il est peut-être trop tard… Mais l’autrice observe ses personnages avec tendresse et douceur. Elle décide plutôt de nous faire sourire. Et au lieu de clamer la déprime comme fatalité dramatique, elle la transforme en une mélancolie douce qui brille parfois par de courts instants de joie et de chaleur, précieux pour ses personnages.
De plus, avec son vrai talent de la narration, Camille Jourdy a construit une partie de son récit sur le mécanisme de l’ironie dramatique, c’est-à-dire qu’elle donne de nombreuses informations au lecteur, qu’elle cache évidemment à ses protagonistes. De plus, elle a décidé de raconter son récit sous deux points de vue différents (via les deux protagonistes principaux), ce qui permet encore de renforcer l’ironie, et par la même de dynamiser son histoire, dans laquelle l’enjeu principal n’est pas l’action, mais l’inertie de ses personnages et leurs tentatives pour en sortir, parfois même avec succès.
Le trait faussement naïf des dessins de Camille Jourdy permet au lecteur de prendre la distance nécessaire à l’appréhension de la mélancolie dans laquelle sont plongés ses personnages. On apprécie son trait léger et souvent tenté d’humour pour dessiner les visages de ses personnages très expressifs. Les couleurs sont douces, jamais tranchantes, toujours en écho avec le ton parfois nostalgique de cette bande dessinée. Il est agréable également de se perdre dans les nombreux détails des décors dans lesquels vivent les personnages, car leur caractérisation passe beaucoup par ce que racontent leurs objets, leurs habits.
"Rosalie Blum" s’inscrit dans ces chroniques sociales qui traient des vies banales, de gens normaux qui rencontrent des existences simples, la majorité finalement. Camille Jourdy s’intéresse à ces petits détails qui les caractérisent et les rend humains. Là où une dramaturgie traditionnelle demanderait des obstacles, de la tension, des conflits forts, l’autrice s’attache à dépeindre par de nombreuses situations anodines, voir inutiles, mais finalement pleines de sens, de richesse et de quiétude. La mélancolie n’est pas mauvaise en soi. Elle peut même parfois être reposante. C’est lorsqu’on se sent seul qu’il est important de se tourner vers les autres, qui sont souvent bien seuls aussi. Cette solitude n’est jamais une fatalité, à la condition d’accepter qu’il faudra peut-être faire quelques efforts pour s’ouvrir et construire ces relations. Ensuite, il n’y aura plus qu’à simplement profiter de demeuré ici, entouré des gens qui comptent et pleinement prendre conscience que la vie vaut la peine d’être vécu. "Rosalie Blum" est peut-être un très bon remède à la mélancolie !
A noter qu’une sympathique adaptation cinéma, réalisée par Julien Rappeneau, est sortie en salle en 2015.
Jai lu la bd après avoir vu le film.Et elle est encore meilleure. c bien de l'avoir chroniqué cela donne envie de la relire donc à partager et a offrir :-D
RépondreSupprimerla bd est super mais le film sans plus.Bon article. merci de parler des bd qui mériteraient d'etre plus connus. merci!
RépondreSupprimer