Je vais rester


Je vais rester

Scénario :   Lewis Trondheim
Dessin : Hubert Chevillard
Genre : Drame
Année : 2018
Edition :      Rue de Sèvres
Nombre de tomes : one shot
Statut : Unitaire
Public : Tout public


Je vais rester couv 01

L'histoire
C’est l’été, Fabienne et Roland arrivent à Palavas pour une semaine de vacances. Il a tout organisé, réservé, payé et noté dans un carnet les moments importants du séjour. Un accident tragique survient alors qu’ils n’ont pas encore déposé leurs bagages à l’appartement... et elle se retrouve seule. Contre toute attente, elle décide de rester sur place et faire ce qui était prévu. Son hébétude et son déni laisseront-t-ils de la place à l’imprévu ?...

Je vais rester extrait 01

Mon avis
Lewis Trodheim, le célèbre auteur de "Lapinot", prouve ici qu'il a du métier et qu'il sait, avec finalement très peu de texte, raconter une histoire puissante et touchante. "Je vais rester" est un one shot très singulier, qui ne traite pas directement du deuil, mais vraiment de la douleur, celle de perdre son compagnon de toujours, malgré l'obligation de continuer à vivre, parce qu'on n'a pas le choix. Ici, l'héroïne est partagée entre tétanie, stupeur et négation et va tout au long du livre tenter, par tous ses moyens, de repousser l’inéluctable moment où il faudra se confronter à la mort de son conjoint. Ainsi, elle décide de continuer ses vacances, tout du moins celles qu'il lui avait minutieusement préparées. Et va tenter d'en profiter, se satisfaisant des plaisirs simples, un Perrier-citron en terrasse, une balade en bord de mer, une fête locale, etc. Evidemment, elle va rencontrer quelqu'un, un Saint Bernard en quelques sortes. Mais leur rencontre ne débouchera pas sur ce qu'il est classique d'entrevoir habituellement ; un homme lui aussi à la recherche des plaisirs simples, avec un vision de la vie dépouillée de jugements.

C'est le point fort de cette histoire, des personnages plus vrais que nature, que l'on a peut-être rencontrés ou qui font écho avec nous. Tout se joue dans les non-dits, les regards, et les longs silences rythmés par les flots et brisés par les hurlements des gamins qui courent sur les plages. La vie pouvant s'arrêter à tout moment, ces héros très ordinaires décident de vivre, de ne pas s’embarrasser de la pensée de la mort, tout en la rendant omniprésente ; dans chaque page, chaque texte, chaque dessin. Fuir la mort, c'est lui donner corps, la mettre au centre de chaque préoccupation, elle fuyant celle de son compagnon, lui se confrontant aux décès des autres pour relativiser le sien.

Les dessins sont doux, des coups de crayon aux couleurs pastel, rien ne heurtera les yeux du lecteur, comme pour lui permettre d'entrer dans le rythme lent des vacances, qu'il convient de savourer car le temps qui passe inexorablement ne prend jamais pitié de ceux qui tentent de le fuir. Il convient de prendre ce temps de contempler ces pages vides de texte, mais remplies d'âmes gravées sur le papier par le crayon d'Hubert Chevillard, mais qui disparaitront dès la page tournée, un peu comme ces gens que l'on rencontre au cours de notre et qui disparaitront de nos esprits, continuant leur existence de leur côté.

"Je vais rester" n'est pas une oeuvre cynique ni déprimante. Elle nous rappelle qu'il n'y a pas qu'une seule manière d'appréhender le deuil et que tôt ou tard, la mort nous rattrape toujours. Alors autant laisser ceux qui souhaitent vivre dans l’illusion qu'elle n'existe pas, ou qui tentent de l'oublier un temps, jouir de immortalité le temps d'un été.

1 commentaire:

  1. C'est un très très beau moment de bande-dessinée. J'ai hésité à le prendre mais votre article ma fait franchir le pas merci car je ne regrette pas du tout. Céline

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