I kill giants


I kill giants

Scénario :   Joe Kelly
Dessin : José Maria Ken Niimura
Genre : Drame
Année : 2018
Edition :      Bragelonne
Nombre de tomes : one shot
Statut : Unitaire
Public : Tout public


I kill giants couv 01

L'histoire
Barbara Thorson est une jeune fille presque comme les autres. Alors que les filles de son âge sont toutes absorbées par les derniers événements cathodiques, Barbara, elle, préfère Donjons et Dragons. Si elle fréquente le collège Birch, c’est le plus souvent du bureau du principal, M. Marx, pour y chercher punitions et heures de colle. Il faut dire que face à Taylor et ses misérables tentatives de racket, elle n’hésite pas une seconde à se défendre, bec et ongles et à se battre s’il le faut. Et l’ambiance à la maison n’est pas vraiment meilleure... Mais Barbara a d’autres préoccupations. Les Géants s’apprêtent à envahir et détruire le monde. Elle, une toute jeune fille épaulée par de minuscules pixies, est prête à tout pour les en empêcher. Armée de son marteau légendaire, Coveleski, au péril de sa vie, malgré le temps qui lui est compté, elle prépare leur venue.

I kill giants extrait 01

Mon avis
"
I kill giants", écrit par l’américain Jo Kelly et dessiné par l’espagnol Rosé Maria Ken Niimura, est un véritable OVNI dans l’univers de la BD. Ces deux auteurs officiants, entre autres, dans l’univers des supers héros américains, se sont retrouvés pour créer une oeuvre singulière qui est devenue une véritable référence inclassable, intemporelle et qu’il aura fallu attendre 10 ans avant d’en avoir enfin une version francophone. A noter que les éditions Quadrants ont édité la première partie de l’histoire en 2009 sous le nom "Je tue des géants" et n’ont pas sorti la seconde partie qui devait conclure l’histoire (merci pour les lecteurs !). Mais en 2018 Bragelonne récupère enfin les droits et offre une très belle intégrale, des sept comics book, accompagnée de compléments plutôt sympas.

Il n’est pas simple d’écrire sur cette BD sans en déflorer l’intrigue. Et pourtant, il y en a des choses à en dire. "I kill giants" est roman graphique d’une sincérité et d’une émotion rare, mais pas forcément facile d’accès. Les dessins de Niimura sont très expressifs, furieux même, et son trait permet de ressentir instantanément le mouvement. Mais son style pourrait faire penser parfois à de l’esquisse ou du dessin bâclé, alors que ses graphismes sont, si l’on y regarde de plus près, très fins, détaillés et de créent aussitôt une ambiance surréaliste où le danger rôde constamment autour de l’héroïne, Barbara. Il est certain que la finesse de son trait demande au lecteur un peu d’attention pour saisir tous les détails, et parfois reconnaître certains personnages qui véhiculent énormément de sentiments uniquement avec leurs visages, leurs postures, sans passer par du dialogue. C’est évidemment le cas avec Barbara, tout de suite caractérisée par… d’immenses oreilles de lapin et des lunettes qui lui prennent la moitié du visage. Les géants et les titans sont magnifiques et certaines doubles pages de dessin mériteraient d’être des tableaux à afficher.

La narration quant à elle est fluide. Kelly ne perd pas de temps dans l’installation des personnages et attaque tout de suite dans l’action. Ce qui est peut-être déstabilisant, surtout pour celles et ceux qui n’ont jamais joué à des jeux de rôles, car plusieurs références construisent l’histoire ; certains dialogues pourront donc paraître étranges aux non-initiés, mais sans que cela ne soit handicapant pour comprendre l’histoire. Justement, la force de l’histoire vient dans la caractérisation du personnage principal à qui l’on est obligé de s’attacher tant elle est à la fois insupportable et débordante de fragilité. Une carapace émotionnelle qu’elle se crée et que l’auteur parvient à nous faire comprendre avec une grande subtilité. Fragilité, car Barbara est jeune, même pas encore une adolescente et que sa vie n’est pas si simple, ses psychoses, ses peurs, ses combats permanents et ses souffrances, bouillonnent tout le long des planches et explosent lorsqu’elle ne peut plus les affronter. Ainsi, si Kelly aborde le thème classique de la disparition de l’enfance et de la construction identitaire, il parle avec finesse de la mort, du deuil, et de la méchanceté de l’enfance (qui deviendra celle de l’adulte).

Il faut lire "I kill giants" et se laisser surprendre par cette oeuvre qui possède plusieurs niveaux de lecture pertinents et poignants. Ces deux auteurs nous proposent ce qu’ils ont fait de meilleur dans leur carrière qui n’est pas prête de s’arrêter, on l’espère. Certes, il faudra un peu d’effort pour entrer dans l’histoire et accepter ces univers sombre et excentriques à la fois. Mais c’est aussi cela l’univers d’un artiste, il faut apprendre à le découvrir, il faut l’explorer, il ne se laisse pas faire, et s’en est tout l’intérêt, à l’image de l’héroïne de cette histoire. Un film du même nom, adapté de cette BD, est également sorti en 2018.

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